Renault Alpine GTA V6 Mille Miles 1989

Renault est désormais seul aux commandes de la destinée d’Alpine. L’Alpine V6 GT sera la première de l’ère 100% Renault en 1985 annonçant l’arrivée imminente de la version de pointe : la V6 Turbo. Mais il est décidément bien tard, sachant que la concurrence n’est pas restée inactive !

Il s’agit ici d’une peinture complète, cette Alpine V6 avait besoin d’une nouvelle robe

Un peu d'histoire

L’Alpine V6 Turbo, bien que pétrie de qualités, s’adresse avant tout aux amateurs de GT sportives et luxueuses… Malheureusement pour elle, Renault croyait alors bon de virer la marque Alpine pour l’appeler Renault et avait négligé autant la présentation intérieure que la sonorité mécanique. Ce n’est qu’en fin de carrière avec la Le Mans que le déclic sera enfin compris par l’ex-Régie. Les rêves de volumes et succès commerciaux se sont envolés et on ne s’attaque pas à Porsche impunément…

Sans vouloir réécrire une énième fois une histoire connue des amateurs de la marque de Dieppe, il convient toutefois de rappeler quelques faits chronologiques pour mieux comprendre l’attente suscitée pour les Alpine V6 GT et V6 Turbo parmi les passionnés et clients potentiels, et, par conséquent, la déception enregistrée. Jean Redélé avait souhaité donner un nouvel élan pour Alpine en s’attaquant plus frontalement à Porsche notamment avec l’Alpine A310. Une voiture qui demeurait à mi-chemin entre une voiture de sport comme l’étaient les A110 « Berlinettes », et les GT symbolisées par les Porsche 911. Seulement voilà, entre des moyens limités et des accords avec Renault limitant le choix des organes mécaniques, la première A310 ne pouvait être dotée que d’un… quatre cylindres ! Très bonne et attachante auto, ses performances et sa noblesse mécanique en défaut ne pouvait raisonnablement venir faire trembler les Porsche 911, Maserati Merak, Ferrari 308… Présentée dès 1971, ce n’est qu’en 1976 que le V6 PRV lui sera enfin autorisé. Mais il est déjà bien tard…

Alors évidemment, lorsque courant 1984 toute la presse auto bruisse des rumeurs et annonces d’une nouvelle Alpine, les attentes sont grandes et pour cause ! 15 ans d’attente, cela ouvre la porte aux fantasmes les plus fous. D’ailleurs, l’effervescence est telle, que la presse spécialisée essaie d’en savoir le plus possible. Auto Hebdo fera ainsi sa couverture le 11 octobre 1984 avec la publication de photos « volées ». En mars 1985, Renault se trompe de stratégie en ne présentant que la version V6 GT, avec son gros V6 PRV atmo repris ou presque de l’A310 V6, gavé par… des carbus ! Une finition intérieure alors très triste et de piètre qualité, des jantes au design qui laisse à penser que ce sont des enjoliveurs (alors que l’idée de départ est de privilégier l’aérodynamique), une tenue de cap critiquable. Alors que les constructeurs premium sont coutumiers de ne présenter en primeur à la presse et aux clients que les versions de pointe pour créer de l’image et de la notoriété, puis ensuite seulement de décliner les versions d’accès, Renault fait l’inverse ! Les amateurs et journalistes attendaient la Turbo et on leur jette en pâture une GT, très bonne auto au demeurant et délivrant des performances étonnantes pour seulement 160 ch, qui ne peut créer la sensation de nouveauté. Et ce n’est pas l’opération VIP en mars 1985 avec la présentation et essais des nouvelles V6 GT sur le circuit privé de Pioneer qui a permis d’inverser la donne. C’est dans ce contexte que la V6 Turbo s’est encore fait attendre une année avant d’être commercialisée courant 1986.

Si le design interne de Renault, celui d’AMC (alors propriété de Renault) et du Berex ont été mis en concurrence, c’est finalement Heuliez avec un coup de crayon de son designer d’alors Gérard Godefroy qui vont remporter les suffrages. Le cahier des charges était tout de même assez simple puisque l’auto devait être identifiée comme la suite logique de l’A310, s’en inspirer mais pas trop tout de même. Surtout, elle devait être très efficace aérodynamiquement pour lui permettre de compenser des puissances inférieures à la concurrence. Le résultat est là avec un Cx de 0,30 très probant pour une GT sportive souvent mise à mal dans cet exercice. On retrouve donc logiquement le look général de la version GT, avec un avant assez anonyme doté de gros phares sous verre, et clignotants dans le prolongement. Le souhait de Renault était que les GTA s’identifient au reste de la gamme au losange. ément…

La ligne est très profilée et se singularise par de très larges surfaces vitrées et un décrochement au dessus de l’aile arrière. Sur les vitres de custode latérales, un « V6 Turbo » stylisé est apposé comme signe distinctif. La poupe est la partie la plus appréciée unanimement avec son gros becquet intégré dont le rôle n’est pas mince tant pour l’appui sur le train arrière que pour alimenter en air frais les échangeurs air/air. Entre ses deux gros blocs optiques fumés, une grille est là aussi pour aérer le V6 PRV turbocompressé, car il fait décidément très chaud sous la bulle. La V6 Turbo est dotée de jantes alu de 15 pouces dont le dessin reprend les ailettes des turbines de turbo. Fort heureusement, elles sont beaucoup plus esthétiques que celle de sa sœur GT. Des flasques cachent les boulons. Une nervure ceinture toute la caisse pour la rendre moins fade. Des gros rétroviseurs extérieurs aérodynamiques et profilés sont montés (celui passager est en option sur les premiers millésimes).

Dans l’habitacle on reste plus dubitatif. Si le dessin de la planche de bord attribuée à Marcello Gandini est pratique et se veut futuriste (dans les années 80 s’entend !), c’est avant tout la réalisation et le soin apporté à la présentation qui fait défaut. C’est bien dommage car à l’usage cette planche de bord est très pratique et très ergonomique. Derrière le volant trois branches siglé du « A » fléché, sont regroupés le tachymètre, le compte-tours, et l’ordinateur de bord. A gauche des indicateurs additionnels sont présents avec des contacteurs de commande d’accessoires et un aérateur, et à droite les témoins d’avertissement, toujours des contacteurs et un aérateur. La console centrale qui part de la planche de bord accueille l’ensemble radio (de la radio simple à la mini-chaine selon les options retenues). Puis ensuite sur le tunnel central on trouve le levier de vitesses idéalement disposé en décalé vers le conducteur, puis les commandes de chauffage et ventilation. Les sièges de type pétale offre une bonne position de conduite assis bien bas et jambes tendues (et presque droites grâce à un pédalier quasi aligné). Derrière, deux petites places d’appoints rappellent les bienfaits du moteur en porte-à-faux arrière pour cette GT française 2+2.

De série, les premiers millésimes sont dotés d’intérieur en drap (comme sur les V6 GT) réellement affligeant en qualité perçue, tandis que les plastiques de la planche de bord et les ajustages semblent partagés avec ceux des Renault Express… Certes l’Alpine V6 Turbo était bien équipée de série et surtout nettement moins chère que ses rivales au blason plus prestigieux. Mais les vrais clients cibles semblaient moins attachés à payer bon marché, qu’à s’offrir un univers intérieur de qualité. L’équipement de série était très complet pour l’époque, et les options n’étaient pas très nombreuses : peinture métallisée ou irisée vernie, intérieur cuir, chaîne stéréo Renault 4 x 20 W – 6 HP, climatisation, intérieur velours, rétro extérieur passager, habillage personnalisé. L’orifice de remplissage du réservoir d’essence était situé sous le capot avant, diminuant encore les capacités de stocker des bagages.

nfin ! L’Alpine peut jouir du moteur le plus performant. De concert avec la Renault 25 V6 Turbo, la GTA peut profiter du « petit » V6 PRV de 2 458 cm3 tout alu doté d’un vilebrequin à manetons décalés. Le « V6 boiteux » tant décrié par la presse allait désormais tourner rond. Tourner rond et pousser fort, car un turbo Garret T3 souffle à 0,65 bars dans les bronches du PRV. Complété d’un échangeur air-air il délivre sa puissance à l’ancienne. Selon le régime moteur le coup de turbo se fait donc plus ou moins sentir avec un temps de réponse certain. Le conducteur de l’Alpine peut donc compter sur 200 ch à 5 750 tr/mn, mais surtout un couple de près de 30 mkg dès 2 500 tr/mn. Le V6 PRV autorise donc une conduite très souple et coulée sur le couple, propre aux GT, dispensant à de trop fréquent tombée de rapports. Cela n’aurait pas été un réel problème cependant puisque la boîte à 5 rapports est agréable et facile à manipuler. Avec son aérodynamique soignée, une 5e (très !) longue et son V6 Turbo hargneux, l’Alpine est très véloce et vient se battre sur les plates-bandes des Porsche 911 Carrera 3.2 et 944 Turbo, toutes deux plus puissantes.

Face au chronomètre, le 0 à 100 km/h est abattu en 7″3, le kilomètre départ arrêté en moins de 27″ tandis que les 250 km/h sont allègrement franchis. Et tout cela avec une consommation d’essence très correcte tournant en moyenne autour de 11 à 12 litres au cent. Contrairement aux idées reçues, le V6 de l’Alpine n’est pas strictement identique à celui de la Renault 25 puisqu’il a du être adapté en de nombreux points à un environnement différent, et notamment de l’implantation de la boîte de vitesses. Ce dernier point expliquera en grande partie la perte de puissance sur la V6 Turbo Le Mans avec l’adoption du catalyseur alors que dans le même exercice la 25 V6 Turbo catalysée passait à 205 ch.

Toujours dotée d’un châssis poutre, restant ainsi fidèle à la tradition Alpine, c’est une coque en composite de fibres de verre qui habille l’ensemble. Moins cher dans le cadre d’une production semi-artisanale ou en petite série, le plastique est aussi plus léger que l’acier ce qui se concrétise sur la bascule avec un poids de 1 210 kg. Châssis et direction à crémaillère sont repris à l’identique de la sœur V6 GT. Les suspensions reprennent le même principe mais avec des réglages plus durs et des réglages de trains spécifiques à la version Turbo. Toujours équipée de roues en 15 pouces, les largeurs et dimensions des pneumatiques ne sont pas du tout les mêmes avec des Michelin MXW 195/50 VR15 AV et 225/50 VR15 AR. En option, le client pouvait retenir des pneus arrière en 255/45 VR15. Le freinage est lui aussi repris à la GT et jugé suffisant par les techniciens du Berex. Les quatre freins à disques ventilés remplissent leur usage avec efficacité, même si le train avant qui s’allège très vite au fil de la conduite et de la vitesse rend délicat les freinages inopinés sans bloquer les roues. Un ABS sera d’ailleurs proposé en option par la suite. Volant en main, l’Alpine V6 Turbo est une GT pure race avec un comportement facile à appréhender au premier abord. Sa stabilité à haute vitesse est notamment en très net progrès par rapport à la GT (merci les pneus arrière plus large, le becquet plus gros et les amortisseurs arrière durcis). Les problèmes de motricité n’existent pas en raison de l’architecture en porte-à-faux arrière, tandis qu’il est possible de faire des longs parcours sans fatigue car le moteur se fait très silencieux (hélas ?).

En revanche, dès que les conditions d’adhérence se dégradent, ou surtout si l’envie vous prend de vous imaginer pilote du dimanche, la circonspection est de mise. Le déséquilibre naturel flagrant dans la répartition des masses AV/AR, et le travail obsessionnel des techniciens à repousser les phénomènes de survirage rendent la V6 Turbo très rétive et dure à appréhender aux limites. A l’amorce d’une courbe serrée, il vous faudra charger au maximum le train avant tant la tendance naturelle au sous-virage est prononcée. Puis votre postérieur devra être un capteur ultra sensible pour détecter l’amorce de survirage brutal qui suit invariablement. Il faudra alors avoir été subtil et connaisseur pour pouvoir remettre les gaz et redonner de l’adhérence au train arrière, sous peine de tête à queue assuré ! Avec de la maîtrise, vous sortirez à la corde sur trois roues, la roue avant intérieure ne touchant alors plus le sol. D’ailleurs, même en Europa Cup, les pilotes participants se plaignaient parfois de ce revirement brutal de tendance difficile à maîtriser, sans compter le temps de réponse du turbo. Autant une 944 Turbo vous fait croire que vous êtes un pilote, autant une Alpine V6 Turbo vous rappelle que vous ne l’êtes pas…

L’Alpine V6 Turbo Mille Miles jouit du moteur le plus performant disponible sur l’Alpine GTA. Il s’agit du V6 PRV de 2458 cm3 tout alu doté d’un vilebrequin à manetons décalés et d’un gros turbo Garret T3 soufflant à 0,65 bar complété d’un échangeur air-air. Il délivre dans la Mille Miles la même puissance que dans la V6 Turbo standard, soit 200 ch à 5750 tr/mn, mais surtout un couple de près de 30 mkg disponible dès 2500 tr/mn. Le V6 PRV autorise donc une conduite très souple et coulée sur le couple, propre aux GT, dispensant à de trop fréquent tombée de rapports. Cela n’aurait pas été un réel problème cependant puisque la boîte à 5 rapports est agréable et facile à manipuler. Avec son aérodynamique soignée, une 5e (très !) longue et son V6 Turbo hargneux, l’Alpine est très véloce et vient se battre sur les plates-bandes des Porsche 911 Carrera 3.2 et 944 Turbo, toutes deux plus puissantes.